vj DISCOURS PRELIMINAIRE enfin fous les trois dimenfions qui confti.tuent l’effence du corps intelligible, c eft-à-dire, d’une portion de l’efpace terminée en tout fens par des bornes intellectuelles . Ainfi ? par des opérations & des abftraCtions fucceitives de notre efprit, nous dépouillons la matière de prefque toutes fes propriétés fienfibles, pour n’envifager en quelque maniéré que fon phantôme ; & l’on doit fentir d’abord que les découvertes auxquelles cette recherche nous conduit, ne pourront manquer d’être fort utiles toutes les fois qu’il ne fera point néceffaire d’avoir égard à l’impénétrabilité des corps ; par exemple, lorfqu’il fera queition d’étudier leur mouvement, en les con-fiderant confine des parties de l’efpace, figurées, mobiles, & disantes les unes des autres. ' \ L’examen que nous faifons de l?étendue figurée nous préfentant un grand nombre de eombinaifons à faire, il eft néceffaire d’inventer quelque moyen qui nous rende ces eombinaifons plus faciles; & comme elles confident principalement dans le calcul & le rapport des différentes parties dont nous imaginons que les corps géométriques font formés, cette recherche nous conduit bientôt à l’Arithmétique ou Science des nombres. Elle n’eft autre chofe que l’art de trouver d’une manière a-brégée l’expreffion d’un rapport unique qui réfulte de la comparaifon de plufieurs autres. Les différentes maniérés de comparer ces rapports donnent les differentes réglés de l’Arithmétique. De plus, il eft bien difficile qu’en réfléchiffant fur ces réglés, nous n’appercevions certains principes ou propriétés générales des rapports, par le moyen defquelles nous pouvons, en exprimant ces rapports d’une maniéré univerfelle, découvrir les différentes eombinaifons qu’on en peut faire. Les réfultats de ces eombinaifons réduits fous une forme générale, ne feront en effet que des calculs arithmétiques indiqués & repréfentés par l’exprefiion la plus fimple & la plus courte que puiiie Îouf-frir leur état de généralité. La fcience ou l’art de défigner ainfi les rapports elt ce qu’on nomme Algèbre. Ainfi quoiqu’il n’y ait proprement de calcul poffible que par les nombres, ni de grandeur mefurable que l’étendue (car fans l’efpace nous ne pourrions mefurer exaftement le rems) nous parvenons, en généralisant toûjours nos idées, à cette partie principale des Mathématiques, & de toutes les Sciences naturelles, qu’on appelle Science des grandeurs en général ; elle eil le fondement de toutes les decouvertes qu’on peut faire fur la quantité, c’eft-à-dire, fur-tout ce qui eft fufceptible d’augmentation ou de diminution. Cette Science elt le terme le plus éloigné où la contemplation des propriétés de la matière puiffe nous conduire, & nous ne pourrions aller plus loin fans fortir tout-à-fait de l’univers matériel. Mais telle eft la marche de l’efprit dans fes recherches, qu’après avoir généralisé fes perceptions jufqu’au point de ne pouvoir plus les dé-compofer davantage, il revient enfuite fur les pas, recompofe de nouveau fes perceptions mêmes, & en forme peu-à-peu & par gradation, les êtres réels qui font l’objet immédiat & direCt de nos fenfations. Ces êtres immédiatement relatifs à nos befoins, font auffi ceux qu’il nous importe le plus d’étudier ; les abftraCtions mathématiques nous en facilitent la connoiiîance ; mais elles ne font utiles qu’autant qu’on lie s’y borne pas. C’eft pourquoi, ayant en quelque forte épuisé par les fpéculations géométriques les propriétés de l’étendue figurée, nous commençons par lui rendre l’impénétrabilité, qui conftitue le corps phyfique, & qui étoit la derniere qualité fenlible dont nous l’avions dépouillée. Cette nouvelle confidération entraîne celle de FaCtion des corps les uns fur les autres, car les corps n’agiffent qu’en tant qu’ils font impénétrables ; & c’eft de-là que fe déduifent les lois de l’équilibre & du mouvement, objet de la Méchanique. Nous étendons même nos recherches jufqu’au mouvement de corps animés par des forces ou caufes motrices inconnues pôurvû que la loi luivant laquelle ces caufes agiffent, foit connue ou fupposée l’être. Rentrés enfin tout-à-fait dans le monde corporel, nous appercevons bien-tôt l’u-fage que nous pouvons faire de la Géométrie & de la Méchanique, pour acquérir fur les propriétés des corps les connoiffances les plus variées & les plus profondes . C eft à peu-près de cette maniéré que font nées toutes les Sciences appellées Phyfi-co-mathematiques. On peut mettre à leur tête l’Aftronomie, dont l’étude, après celle de nous-mêmes, eft la plus digne de notre application par le fpeCtacle magnifique qu’elle nous préfente. Joignant l’obfervation au calcul & les éclairant l’une par l’autre, cette fcience détermine avec une exactitude digne d’admiration les diftances & les mouvemens les plus compliqués des corps céleftes ; elle affigne julqu’aux forces mêmes par kiqttelles ces mouvemens font produits ou altérés, Aulli peut-on la re-