xxxviij DISCOURS PRELIMINAIRE teur, ayant été reçu de toute l’Europe avec les plu^grands éloges, je vais en fon nom le remettre ici de nouveau fous les yeux cju Public, avec les change-mens & les additions qui nous ont paru convenables à l’un & à l’autre. On ne peut disconvenir que depuis le renouvellement des Lettres parmi nous, on ne doive en partie aux Dictionnaires les lumières générales qui fe font répandues dans la fociété, & ce germe de Science qui difpofe infenfiblement les efprits à des connoiffances plus profondes . L’utilité fenfible de ces fortes d’ouvrages les a rendus fi communs, que nous fommes plûtôt aujourd’hui dans le cas de les juftifier que d’en faire l*éloge . On prétend qu’en multipliant les fecours & la facilité de s’inftruire, ils contribueront à éteindre le goût du travail & de l’étude . Pour nous, nous croyons être bien fondés à foutenir que c’eft à la manie du bel efprit & à l’abus de la Philofophie, plûtôt qu’à la multitude des Dictionnaires, qu’il faut attribuer notre pareflè & la décadence du bon goût. Ces fortes de colleftions peuvent tout au plus fervir à donner quelques lumières à ceux qui fans ce fecours n’auroient pas eu le courage de s’en procurer: mais elles ne tiendront jamais lieu de Livres à ceux qui chercheront à s’initruire ; les Dictionnaires par leur forme même ne font propres qu’à être con-fultés, & fe refufent à toute leCfure fuivie. Quand nous apprendrons qu’un homme de Lettres, defirant d’étudier PHiiloire à fond, aura choifi pour cet objet le DiCfionnaire de Moreri, nous conviendrons du reproche que l’on veut nous faire. Nous aurions peut-être plus de raifon d’attribuer l’abus prétendu dont on fe plaint, à la multiplication des méthodes, des élémens, des abrégés, & des bibliothèques, fi nous n’étions perfuadés qu’on ne fauroit trop faciliter les moyens de s’initruire. On abregeroit encore davantage ces moyens, en réduifant à quelques volumes tout ce que les hommes ont découvert jufqu’à nos jours dans les Sciences & dans les Arts. Ce projet, en y comprenant même les faits hi-ftoriques réellement utiles, ne feroit peut-être pas impoffible dans l’exécution; il feroit du moins à fouhaiter qu’on le tentât, nous ne prétendons aujourd’hui que l’ébaucher; & il nous débarrafferoit enfin de tant de Livres, dont les Auteurs n’ont fait que fe copier les uns les autres. Ce qui doit nous raifûrer contre la fatyre des Dictionnaires, c’eff qu’on pourroit faire le même reproche, fur un fondement auili peu folide, aux journaliftes les plus eftimables . Leur but n’efl-il pas eiTentiellement d’expofer en racourci ce que notre fiecle ajoûte de lumières à .celles des iîecles précédens ; d’apprendre à fe paifer des originaux, & d’arracher par conféquent ces épines que nos adverfaires voudroient qu’on lai Hat? Combien de leétures inutiles dont nous nous ferions difpenfés par de bons extraits! Nous avons donc crû qu’il importoit d’avoir un Dictionnaire qu’on pût con-fulrer fur toutes les matières des Arts & des Sciences, & qui lervît autant à guider ceux qui le fentent le courage de travailler à l’inftruftion des autres, qu’ à éclairer ceux qui ne s’inftruifent que pour eux-mêmes. Jufqu’ici perfonne n’avoit conçû un Ouvrage auili grand, ou du moins per-fonne ne l’avoit exécuté. Leibnitz, de tous les Savans le plus capable d’en fen-tir les difficultés, défirent qu’on les' furmontât . Cèpandant on avoit des Encyclopédies; & Leibnitz ne l’ignoroit pas, lorfqu’il en demandoit une. La plupart de ces Ouvrages parurent avant le fiecle dernier, & ne furent pas tout-à-fait méprifés. On trouva que s’ils n’annonçoient pas beaucoup de génie, ils marquoient au moins du travail & des connoiffances. Mais que feroit-ce pour nous que ces Encyclopédies? Quel progrès n’a-t-on pas fait depuis dans les Sciences & dans les Arts? Combien de vérités découvertes aujourd’hui, qu’on n’entrevoyoit pas alors? La vraie Philofophie étoit au berceau; la Géométrie de l’infini n’étoit pas encore; la Phyfique expérimentale fe montroit à peine; il n’y avoit point de Dialeftique ; les lois de la faine critique étoient entièrement ignorées. Les Auteurs célébrés en tout genre dont nous avons parlé dans ce Difcours, & leurs illuitres difciples, ou n’exiitoient pas, ou n’avoient pas é-crit. L’efprit de recherche & d’émulation n’animoit pas les Savans; un autre efprit moins fécond peut-être , mais plus rare, celui de jufteffe & de méthode , ne s’étoit point foûmis les différentes parties de la Littérature ; & les Académies , dont les travaux ont porté fi loin les Sciences & les Arts, n’étoient pas inffituées. Si les découvertes des grands hommes & des compagnies favantes dont nous venons de parler , offrirent dans la fuite de puiffans fecours pour former un Diètion-