7 54 AUR lâ, puifque M. Léopold rapporte dans fon voyage de Suede, fait en 1707, qu’il avoir vu une de ces aurores dont Ja clarté ¿toit fort grande. Cet auteur, après nous avoir donné la defcription de cette lumière, cite un pacage tiré du xij. chap. de la Defcription de l'ancien Groenland par Thormodus Torfæus, qui prouve que Y aurore boréale étoit alors connue; & on en trouve même dans cet- ouvrage une figure tout-à-fait cu-rieufe. Comme ce phénomène étoit alfez peu connu & alfez rare avant l’an 1716, M. Celfius, habile Aftro-nome, prit alors la réfolution de l’obferver exaétemcnt, & de marquer le nombre de fois qu’il paroîtroit. Quoique cet auteur n’ait commencé à faire des obfervations qu’après l’an 1716, il n’a pas laifie de trouver que cet-te_ lumière avoit déjà paru 316 fois en Suede, & il a fait un livre où ces obfervations font raifemblées : on a aulîi vû plulieurs fois ces fortes d'aurores boréales en Angleterre & en Allemagne: elles ont été moins fréquentes en France, & encore moins en Italie; de forte qu’elles n’avoient été vûes de prefque perfonne a-vant l’an 172a, & qu’après Ce tems-là , on ne les a-vojt encore vûes que 2 ou 3 fois à Boulogne. Celle qui a paru en 1726, a été la première qui ait été obfervée avec quelque foin en Italie. Cornent. Bonon. p. 285-, On a commencé à les voir fréquemment en Hollande depuis l’an 1716; de forte que depuis ce tems-là jufqu’à préfent, on a pû les y obferver peut-être autant qu’on l’avoitfait, eu remontant de cette époque au déluge . On peut diilinguer les aurores boréales en deux efpe-ces ; favoir en celles qui ont une lumière douce & tranquille, & celles dont la lumière eft rcfplcndiffante : elles ne font pas toujours accompagnées des mêmes phénomènes . _ On y peut obferver plufieurs variations. Voici les principales . Dans la région de l’air qui efl direêlement vers le nord, ou qui s’étend du nord vers l’orient, on vers l’occident, paraît d’abord une nuée horifontale qui s’élève de quelques degrés, mais rarement de plus de 40 au-deifus de Phorifon. Cette nuée eft quelquefois fé-parée de_ l’horifon, de alors on voit entr.c-deux le ciel bleu & fort clair. La nuée occupe en longueur une partie de l’orifon, quelquefois depuis y jufqu’à 100 degrés, & même davantage. La nuée eft blanche & brillante; elle eft auifi fouvent noire & épaiife. Son bord fttpé-rieur eft parallèle à l’horifon, & forme comme une lon-gue_ traînée éclairée, qui eft plus haute en certains endroits, & plus balfe en d’autres: elle paraît aufiî recourbée en manière d’arc, rellemblant à un difque or-biculaire qui s’élève un peu au-deifus de l’horifon, & qui a fon centre au-deifus. On voit quelquefois une large bande blanche ou luifante qui tient au bord fu-péricur de la nuée noire . La partie fombre de la nuée fe change aufiî en une nuée blanche & lumi-neufe, lorfque Vaurore boréale a brillé pendant quelque tems, & qu’elle a dardé plulieurs verges ardentes & é-clatantes. Il part du bord fuperieur de la nuée, des rayons fous la forme de jets, qui font quelquefois en grand, quelquefois en petit nombre, tantôt les uns proches d«s autres, tantôt à quelques degrés de diftance . Ces jets répandent une lumière fort éclatante, comme fi une liqueur _ ardente & brillante fortoit avec impétuofité d’une feringue. Le jet brille davantage, & a moins de largeur à l’endroit du bord d’où il part; il fe dilate &• s’obfcurcit à mefure qu’il s’éloigne de fon origine. Il s’élève d’une large ouverture de la nuée une colonne lnmmeufe comme une fufée, mais dont le mouvement eft lent & uniforme, & qui devient plus large en s'avançant. Leurs dimenfions & leur durée varient. ’La lumière en eft blanche, rougeâtre; ou de couleur de fang, iotfqu elles avancent, les couleurs changent un peu, & forment une elpece d’arc-en-ciel. Lorfque plu-iieurs colonnes, parties de divers endroits, fe rencontrent au zénith, elles fe confondent les unes avec les autres, & forment par leur mélange une petite nuée tort épaiife, qui fe mettant d’abord en feu, brûle avec Plus ?e, violence, & répand une lumière plus forte que ne railott auparavant chaque colonne féparément. Cette lumière devient alors verte, bleue & pourpre; & quittant fa première place, elle fe porte vers le fud fous la forme d un petit nuage clair. Lorfqu’il ne fort plus de colonnes, la nuée ne paraît fouvent que comme le cré-pufcule du matin & elle fe diffipe infenfiblement. V. un plus grand détafl dans Muftchenbroek, efj'ay de Phy-jKfue, p, iôyS, & futv. J J Ce phénomène dure quelquefois toute la nuit- on le voit meme fouvent deux ou trois jours de fuite M AUR Muifchenbroek l’obferva plus de dix jours & dix nuits de fuite en 1734, & depuis le 22 jufqu’au 31 Mars 1735"- La nuée qui fert de matière à l'aurore boréale, dure fouvent plulieurs heures de fuite fans qu’on y remarque le moindre changement; car on ne voit pas a-lors qu’elle s’élève au-delfus de l’horifon, ou qu’elle defeende au-deifous. Quelquefois elle le meut un peu du nord à l’eft ou à l’oüeft; quelquefois aufiî elle s’étend beaucoup plus loin de chaque côté, c’eft-à-dire vers l’eft & l’oüeft en même tems, & il arrive alors qu’elle darde plulieurs de ces colonnes-lumineules dont nous avons parlé. On l’a auifi vû s’élever au-deifus de l’horifon, & fe changer entièrement en une nuée blanche & lumineufe . Enfin la lumière naît & difparoît quelquefois en peu de minutes. Plufieurs philofophes croyant que la matière de 1’««-rore boréale eft dans notre atmofphere . Us s’appuient, i°. fur_ ce qu’elie paraît le foir fous la forme d’un nuage, qui ne différé pas des autres nuages que nous voyons communément : & ce n’eft en effet qu’un nuage placé à la même hauteur que les autres, autant que la vue en peut juger. On peut l’obferver même pendant le jour: il reifemble alors aux nuages à tonnerre, excepté qu’il eft moins épais,d’un bleu tirant fur le cendré, & flottant doucement dans l’air. Lorfqu’on voit un pareil nuage au nord , au nord-eft, ou au nord-oüeft, il paraît ^lûrernent une aurore boréale. 20. Comme la nuée lumineufe fe tient plufieurs heures de fuite à la même hauteur au-defius de l’horifon, elle doit néceflairement fe mouvoir en même tems que notre atmofphere; car puifque la terre tourne chaque jour autour de l’on axe, cette nuée lumineufe devrait paraître s’élever au-defius de Phorifon, & defeendre au-deflous, fi elle étoit fupé-rieure^à l’atmofphere. Cette nuée étant donc emportée en même tems que notre atmofphere, il y a tout lieu de croire qu’elle s’y trouve effectivement. 3°. Il y a plufieurs aurores boréales que l’on ne fauroit voir en même teins de deux endroits peu éloignés l’un de l’autre, ce qui prouve qu’elles ne font pas toûjours à une hauteur conlîdérable, & qu’elles font fûrement dans notre atmofphere. Quelques grands Mathématiciens ont entrepris de donner des réglés pour déterminer cette hauteur, par la portion de la nuée lumineufe, vûe en un feul endroit. D’autres ont eu recours à la hauteur du phénomène vû en divers endroits à la fois. Mais il n’eft pas bien certain fi l'aurore boréale , qui a été fi commune^ en 1716, 1726, 1729, 1736, & qui a paru dans la plupart des endroits de l’Europe, étoit toûjours la même lumière qui fe tenoit & brilloit à la même place; de forte qu’on ne fauroit déterminer fûrement la parallaxe ni par conféquent la véritable diftance de ce météore, par la hauteur où on l’a vû de divers endroits . La matière de l'aurore boréale eft de telle nature qu’ elles peut s’enflammer, & répandre enfuite une lumie-reQoiblé. Cette matière eft alors fi raréfiée, qu’on peut toûjours voir les étoiles à-travers ; de forte que non-feulement les colonnes, mais aufiî la nuée blanche, & même la nuée noire, tranfmettent la lumière de ces aftres. On ne fauroit déterminer avec certitude la nature de cette matière. La Chimie nous fournit aujourd'hui plufieurs matières qui peuvent s’enflammer, brûler par ja fermentation, & jetter de la lumière comme le phofphore. Qu’on mêle du tartre avec le régule d’antimoine martial, & qu’on fafie rougir long-tems ce mélange dans un creufet, on en retire une poudre qui s’en-. flamme lorfqu’on l’expofe à un air humide; & fi elle vieillit un peu, elle devient fort brûlante. 1Saurore boréale n’eft pas une flamme comme celle de notre feu ordinaire: mais elle reifemble au phofphore, qui ne luit pas d’abord, & qui jette enfuite une lumière foible. Les colonnes que darde la nuée lumineufe, font comme la poudre du phofphore que l’on fouffle dans l’air, ou qu’ on y répand en la failant fortir du cou d’une bouteille; de forte que chaque parcelle jette à la vérité une lueur, mais elle ne donne pas de flamme ou de feu raff’em-blé; & la lumière eft fi foible, qu’on ne peut la voir pendant le jour, ni lorfque nous avons en été le cré-pufcule du foir qui répand une trop grande clarté. Cette matière approche donc de la nature du phofphore : mais quoique nous en connoiflîons peut-être plus de cinquante efpeces, nous n’oferions cependant afiurer que la nature ne renferme pas dans fon fein un plus grand nombre d’efpeces de matières femblables, puifque Part nous en fait tous les jours découvrir des nouvelles. Muffch. P