ABB à Itre regardés comme une efpece de petits Prélats. En-fuite, ils affèélerent l’indépendance de leurs Evêques, & devinrent (i insupportables, que l’on fit contre eux des lois fort féveres au Concile de Chalcédoine & autres, dont on a parlé. (i) L’Ordre de Cluny, pour établir l’uniformité, ne voulut avoir qu’un feul Abbé. Toutes les Maifons qui en dépendoient, n’eurerjt que des Prieurs, quelques grandes qu’elles fufient, & cette forme de gouvernement a fubfi-iié jufqu’à préfent. Les Fondateurs de Cîteaux crurent que le relâchement de Cluny venoit en partie de l’autorité abfolue des Abbés : pour y remédier, ils donnèrent des Abbés à tous les nouveaux Monafteres qu’ils fondèrent , & voulurent qu’ils s’aflemblalfent tous les ans en Chapitre général, pour voir s’ils étoient uniformes & fideles à obferver la Réglé. Ils conferverent une grande autorité à Cîteaux fur fes quatre premières Filles, & à chacune d’elles fur les Monafteres de fa filiation ; enforte que l'Abbé d’une mere Eglife préfidât à l’éleélion des Abbés des Filles , & qu’il pût avec le confeil de quelques Abbés, les deftituer s’ils le méritoient. Les Chanoines Réguliers fuivirent à peu près le gouvernement des Moines, & eurent des Abbés dans leurs principales Maifons, de l’eleétion defquels ils demeurèrent en pofiTeffion jufqu’au Concordat de l’an iyi6, qui tranfporta au Roi de France le droit des éleélions pour les Monafteres, auffi-bien que pour les Evêchés. On a pourtant confervé l’éleétion aux Monafteres qui font Chefs-d’Ordre, comme Cluny, Cîteaux & fes quatre Filles , Prémontré, Grammont, & quelques autres ; ce qui eft regardé comme un privilège, quoiqu’en effet ce foit un relie du Droit commun. Les biens des Monafteres étant devenus confidérables, excitèrent la cupidité des Séculiers pour les envahir. Dès le V. lîecle en Italie & en France, les Rois s’en empare-rent, ou en gratifièrent leurs Officiers & leurs Courtiians. En vain les Papes & les Evêques s’y oppoferent-ils. Cette licence dura jufqu’au régné de Dagobert, qui fut plus favorable à l’Eglife1: mais elle recommença fous Charles Martel, pendant le régné duquel les Laïques fe mirent en poffeffion d’une partie des biens des Monafteres, & prirent même le titre d'Abbés . Pépin & Charlemagne réformèrent une partie de ces abus, mais ne les détruilîrent pas entièrement, puifque les Princes leurs fucceifeurs don-noient eux-mêmes les revenus des Monafteres à leurs Officiers, à titre de récompenfe pour leurs fervices, d’où eft venu le nom de Bénéfice, & peut-être l’ancien mot, Beneficium profiter ojficium ; quoiqu’ on P entende aujourd’hui dans un fens très-différent, & qui eft le ièul vrai, favoir des fervices rendus à /’Eglife. Charles le Chauve fit des lois pour modérer cet ufage, qui ne lailïa Îas de fubfifter fous fes fucceifeurs. Les Rois Philippe I. & muis VI. êtenfuite les Ducs d’Orléans, font appellés^iè-bés du Monaftere de S. Agnan d'Orléans. Les Ducs d’Aquitaine prirent le titre à'Abbés de S. Hilaire de Poitiers . Les Comtes d’Anjou, celui à'Abbés de S. Aubin ; & les Comtes de Vermandois, celui à'Abbés de S. Quentin. Cette coûtume ceifa pourtant fous les premiers Rois de la troifieme race ; le Clergé-s’oppofant à ces innovations, & rentrant de tems en tems dans fes droits. Mais quoiqu’on n’abandonnât plus les revenus des Abbayes aux Laïques, il s’introduifit, furtout pendant le fchifme d’Occident, une autre coûtume, moins éloignée en général de l’efprit de l’Eglife, mais également contraire au droit des Réguliers. Ce fut de les donner en commende à des Clercs féculiers ; & les Papes eux-mêmes furent les premiers à en accorder, toûjours pour de bonnes intentions, mais qui manquèrent fouvent d’être remplies. Enfin par le Concordat entre LéonX. & François I. la nomination des Abbayes en France fut dévolue au Roi, à l’exception d’un très-petit nombre, enforte que maintenant prefque toutes font en commende. Malgré les Reglemens des Conciles dont nous avons parlé, les Abbés, furtont en Occident, prirent le titre de Seigneur, & des marques de l’Epifcopat, comme la Mitre! C’eft ce qui donna l’origine àplufieurs nouvelles efpe-ees A'Abbés ; favoir aux Abbés mitrés, croifés, & non crof-fés ; aux Abbés œcuméniques, au» Abbés Cardinaux, &c. Les Abbés mitrés font ceux qui ont le privilège de pot-‘ïome I. ---- . » - - —.. . .....-.... --■■■■----....... ■ (i) En fuite du tems les chofes fe reduifirent à ce que les PP. du Concile de Chalcedoines eurent tant lieu d'être contents . Le fe-ditieux Barfutna qui excitoit dans la Syrie les moines contre leurs Evêques, & qui s'attira leur indignation n’eut point plus de fuite ni parmi les moines, ni parmi les autres. On feroit parvenu plus aifement à la paix, fi les Evêques euflent écouté l'avis de Théophile Patriarche d'Alexandrie fi loué par S, Jérôme, ABB il ter la Mitre, 6c qui ont en même tems une autorité pleinement épifcopale dans leurs divers territoires. En Angleterre on les appelloit aulïï Abbés fouverains & Abbés généraux , & ils étoient Lords du Parlement. Selon le Sf Edouard Coke, il y en avoit en Angleterre vingt-fept de cette forte, fans compter deux Prieurs mitrés. Foyez. Prieur. Les autres qui n’étoient point mitrés, étoient foûmis à l’Evêque diocéfain. Le Pere Hay, Moine Bénédiétin, dans fon Livre intitulé AJlrum inextinélum , foûtient que les Abbés de fon Ordre ont non-feulement une Jurifdiéiion (comme) épifcopale, mais même une Jurifdiéiion ( comme ) papale, potefiatem quafi efiifcofialem, imo quafi papalem ; & qu’en cette qualité ils peuvent conférer les Ordres inférieurs de Diacres & de Soûdiacres. Voyez, Ordination . Lorfque les Abbés commencèrent à porter la Mitre, les Evêques fe plaignirent amerement que leurs privilèges étoient envahis par des Moines : ils étoient principalement choqués de ce que dans les Conciles & dans les Synodes , il n’y avoit aucune diftinétion entre eux . C’eft à cette occafion que le Pape Clément IV. ordonna que les Abbés porteroient feulement la Mitre brodée en or, & qu’ils lailferoient les pierres précicufes aux Evêques.Toyez. Mitre. Les Abbés croifés font ceux qui portent les CrolTes ou le Bâton paftoral. Voyez Crosse . Il y en a quelques-uns qui font crofiés & non mitrés, comme l'Abbé d’u,ne Abbaye de Bénédiélins à Bourges ; & d’autres qui font l’un & l’autre. Parmi les Grecs il y a des Abbés qui prennent même le qualité à' Abbés oecuméniques , ou dé Abbés univerfels, à l’imitation des Patriarches deConftantinople. Voyez OE-cume'nique. Les Latins n’ont pas été de beaucoup inferieurs aux Grecs à cet égard. Lé Abbé de Cluny dans un Concile tenu à Rome, prend le titre d'Abbas Abbatum, Abbé des Abbés : & le Pape Calixte donne au même Abbé le titre à'Abbé Cardinal. Voyez Cluny. ( L'Abbé de la Trinité de Vendôme fe qualifie aufli Cardinal Abbé. ) pour ne rien dire des autres Abbés Cardinaux, ainii appelles, de ce qu’ils étoient les principaux Abbés des Monafteres, qui dans la fuite vinrent à être féparés. Les Abbés Cardinaux qui font féculiers, ou qui ne font point Chefs-d’Ordre, n’ont point de jurifdiéiion fur les Religieux, ni d’autorité dans l’intérieur des Monafteres. Les Abbés aujourd’hui fe divifent principalement en Abbés Réguliers ( ou Titulaires ), & en Abbés Commen-diit ¿lires Les Abbés Réguliers font de véritables Moines ou ^Religieux , qui ont fait les vœux & portent l’habit de l’Ordre . Voyez Régulier , Religieux , Voeux , &c. Tous les Abbés font préfumés être tels, les Canons défendant expreifément qu’aucun autre qu’un Moine ait le commandement fur les Moines : mais dans le fait il en eft bien autrement. En France les abbés Réguliers n’ont la jurifdiéiion fur leurs Moines que pour la correétion Monachale^ concernant le Réglé. S’il eft queftion d’autre excès non concernant la Réglé, ce n’eil point à l’Abbé, mais à l’Evêque d’en connoître ; & quand ce font des excès privilégiés, comme s’il y a port d’armes, ce n’eft ni à l'Abbé, ni à l’Evêque, mais au Juge Royal à en connoître. (2,) Les Abbés Commendataires, ou les Abbés en Commende, font des Séculiers qui ont été auparavant tonfurés. Ils font obligés par leurs Bulles de prendre les Ordres quand ils feront en âge. Voyez Séculier, Tonsure, &c. Quoique le terme de Commende infinue qu’ils ont feulement pour un tems l’admiuiftration de leurs Abbayes, ils ne laiflent pas d’en jouir toute leur vie, & d’en percevoir toûjours les fruits auffi-bien que les Abbés Réguliers. Les Bulles leur donnent un plein pouvoir, tam in Spi-ritualibus quam in temporalibut : mais dans la réalité les Abbés Commendataires n’exercent aucune fonélion fpirituelle envers leurs Moines, & n’ont fur eux aucune Jurifdiéiion : ainii cette expreflion in fplritualibus, n’eft que de ftyle dans la Cour de Rome, & n’emporte avec elle rien de réel. K z Quel- (2) La fimple délation d’armes pour les Ecclefiaftiques eft un crime, qui n’appartient point aux Juges Royaux en France, excepté le cas, où ils s’en fervent pour exciter des feditions. Voyec frvret Traité de l'abus t, 2. livr. K, eh. 2. (M) \