CHA le marteau fût petit, celui-ci pourrait s’échauffer également; d’où il s’enfuit qu’il n’elt pas néceiîaire qu’ un corps, pour donner de la chaleur, foit chaud lui-même . Si l’on enfonce avec un marteau un gros clou dans une planche de bois, on donnera^ plusieurs coups fur la tête avant qu’elle s’échauffe: mais dès que le clou eft une fois enfoncé jufqu’à fa tête, un petit nombre de coups fufHroit pour lui donner une chaleur confidéra-ble : car pendant qu’à chaque coup de marteau le clou s’enfonce dé plus en plus dans le bois, le mouvement produit dans le bois eft principalement progreffif, & a-git fur le clou entier dirigé vers un feul & même côté: mais quand ce mouvement progreifif vient à ceifer, la fecoufTe imprimée par les coups de marteau étant incapable de chaiTer le clou plus avant, ou de le cafter, il faut qu’elle produife fon effet, en imprimant aux parties du clou une agitation violente & intérieure, dans laquelle confifte la nature de la chaleur . Une preuve, dit le même auteur, que la chaleur peut être produite méchaniquement, c’eft qu’il n’y a qu’à réfléchir fur fa nature, qui fembie confifter principalement dans cette propriété méchanique de la matière, que l’on appelle mouvement : mais il faut pour cela que le mouvement foit accompagné de plufieurs conditions ou modifications. Eu premier lieu, il faut que l’agitation des parties du corps foit violente; car c’eft-là ce qui diftingue le corps qu’on appelle chauds, de ceux qui font Amplement fluides : ainlï les particules d’eau qui font dans leur état naturel , fe meuvent fi lentement qu’elles nous paroilfent deftituées de toute chaleur ; & cependant l’eau ne ferait point une liqueur, fi fes parties n’étoient point dans un mouvement continuel : mais quand l’eau devient chaude, on voit clairement que fon mouvement augmente à proportion, puifque non-feulement elle frappe vivement nos organes, mais qu’elle produit auflî une quantité de petites bouteilles, qu’elle fond l’huile coagulée qu’on fait tomber fur elle, & qu’elle exhale des vapeurs qui montent en l’air. Et fi le degré de chaleur peut faire bouillir l’eau, l’agitation devient encore plus vifible par les mouvetnens confus, par les ondulations, par le bruit, & par d’autres effets qui tombent fous les fens : ainfi le mouvement & (îfflement des gouttes d’eau qui tombent fur un fer rouge, nous permettent de conclure que les parties de ce fer font dans une agitation très-violente. Mais outre l’agitation violente, il faut encore, pour rendre un corps chaud, que toutes les particules agitées, ou du moins lapiûpart, foient aifez.petites, dit M. Boy le, pour qu’aucune d’elles ne puifle tomber fous les fens . Une autre condition eft que la détermination du mouvement foit diverlïfiée, & qu’elle foit dirigée en tout fens. Il paroît que cette variété de direftion fe trouve dans les corps chauds, tant par quelques-uns des exemples ci-deffus rapportés, que par la flamme que jettent ces corps, & qui eft un corps elle-même, par la dilatation des métaux quand ils font fondus, & par les effets que les corps chauds font fur les autres corps, en quelque maniéré que fe puifle faire l’application du corps chaud au corps que l’on veut échauffer. Ainfi un charbon bien allumé paroîtra rouge de tous côtés, fondra la cire, & allumera du foufre quelque part qu’on l’ap-lique, foit en-haut, foit en-bas, foit aux côtés du char-on : c’eft pourquoi en fuivant cette notion de la nature de la chaleur , il eft aifc de comprendre comment la chaleur peut être produite méchaniquement & de di-verfes maniérés : car fi l’on en excepte certains cas particuliers, de quelques moyens qu’on fe ferve pour imprimer aux parties infenfibles d’un corps une agitation violente & confufe, on produira la chaleur dans ce corps; & comme il y a plufieurs agens & opérations par lefquelles cette agitation peut être effectuée, il faut qu’ il y ait aufii plufieurs voies mcchaniques de produire la chaleur. On peut confirmer par des expériences la plû-part des propofitions ci-delfus; & dans les laboratoires des Chimiftes le hafard a produit un grand nombre de phénomènes applicables à la thefe préfeute. Voyez. Us œuvres de Boyle. Ce fyftème eft pouffé plus loin par Newton. Il ne regarde pas le feu comme une efpcce particulière de corps doué originairement de telle & telle propriété; mais félon lui le feu n’eft qu’un corps fortement igné, c’efî-à-dire chaud & échauffé au point de jetter une lumière abondante. Un fer rouge eft-il autre chofe, dit-il, que du feu? Un charbon ardent eft-il autre chofe que .du bois rouge & brûlant? Et la flamme elle-même eft- CHA ai elle autre chofe que de la fumée rouge & ignée? Il eft certain que la flamme n’eft que la partie volatile de la matière combnllible, échauffée, ignée & ardente; c’eft pourquoi il n’y a que les corps volatiles, c’eft-à-dire ceux dont il fort beaucoup de fumée qui jettent de la flamme; & ces corps ne jetteront de la flamme qu’aulïï long-tems qu’ils ont de la fumée à fournir. En diftil-lant des efprits chauds, quand on leve le chapiteau de l’alembic, les vapeurs qui montent prendront feu à une chandelle allumée & fe convertiront en flamme; de même diiférens corps échauffés à un certain point par le mouvement, par l’attrition, par la fermentation, ou par d’autres moyens, jettent des fumées brillantes, lesquelles étant affez abondantes & ayant un degré fuffifant de chaleur éclatent en flamme: la raifon pour laquelle un métal fondu ne jette point de flamme, c’eft qu’il ne contient qu’une petite quantité de fumée; car le zinck qui fume abondamment jette aufii de la flamme. Ajoû-tez à cela que tous les corps qui s’enflamment, comme l’huile, le fuif, la cire, le bois, la poix, le _foufre, &c. fe confument par la flamme & s’évanouiffent en fumée ardente. Voyez l'Optique de Newton._ Tous les corps fixes, continue-t-il, lorfqu’ils font é-chauffés à un degré confidérable, ne jettent-ils point une lumière ou au moins une lueur? Cette émiflion ne fe fait-elle point par le mouvement de vibration de leurs parties ? Et tous les corps qui abondent en parties ter-reftres & fulphureufes ne jettent-ils point de lumière toutes les fois que ces parties 1e trouvent fuffifamment a-gitées, foit que cette agitation ait été occafionnée par un feu extérieur, par une friêfion, par une pereuflion, par une putréfaâion, ou par quelque autre caufe ? Ainfi l’eau de la mer dans une tempête, le vif-argent agité dans le vuide, le dos d’un chat ou le col d’un cheval frottés à contre-poil dans un lieu obfcur, du bois, de la chair & du poiftbn pendant qu’ils fe putréfient, les vapeurs qui s’élèvent des eaux corrompues & qu’on appelle communément feux follets, les tas de foin & de blé moïtes, les vers luilans, l’ambre & le diamant quand on les frotte, l’acier battu avec un caillou, cÿc. jettent de la lumière. Idem ibidem . Un corps groflier & la lumière ne peuvent-ils point fe convertir l’un dans l’autre, & les corps ne peuvent-ils point recevoir la plus grande partie de leur activité des particules de lumière qui entrent dans leur com-pofition ? On ne connoît point de corps moins propre à luire que l’eau ; & cependant l’eau par de fréquen* tes diftillations fe change en terre folide, qui par un degré fuffifant de chaleur peut être mife en état de luire comme les autres corps. Idem ibidem. Suivant le conjeéfure de Newton, le foleil & les é-toiles ne font que des corps de terre excelïivement é-chauff'és. Il obferve que plus les corps font gros, plus long-tems ils confervent leur chaleur, parce que leurs parties s’échauffent mutuellement les unes les autres. Et pourquoi, ajoûte-t-il, des corps vaftes, denfes, & fixes, lorfqu’ils font échauffés à un certain degré, ne pourroi-ent-ils point jetter de la lumière en grande quantité, & s’échauffer de plus en plus par l’émiffion & la réadion de cette lumière, & par les réflexions & les réfraéfions des rayons dans leurs pores jufqu’à ce qu’ils fuffent parvenus au même degré de chaleur où eft le corps du foleil ? Leurs parties pourraient être garanties de l’évaporation en fumée, non-feulement par leur folidité, mais auflî par le poids confidérable & par la denfité des atmosphères, qui les compriment fortement & qui con-denfent les vapeurs & les exhalaifons qui s’en élevent: ainfi nous voyons que l’eau chaude bout dans une machine pneumatique, auflî fort que fait l’eau bouillante expofée à l’air, parce que dans ce dernier cas le poids de l’atmofphere comprime les vapeurs & empêche l’ébullition jufqu’à ce que l’eau ait reçu fon dernier degré de chaleur. De même un mélange d’étain & de plomb mis fur un fer rouge dans un lieu dont a pompé l’air, jette de la fumée & de la flamme, tandis que le même mélange mis en plein air fur un fer rouge ne jette pas la moindre flamme qui foit vifible, parce qu’il en eft empêché par la compreflîon de I’atmofphe-re. Mais en voilà allez fur le fyftème de la producibi-lité de la chaleur. D’un autre côté M. Homberg dans fon e(fai fur le foufre principe, foûtient que le principe ou élément chimique , qu’on appelle foufre, & qui pafte pour un des ingnédiens Amples, premiers, & pré-exiftans de tous les corps, eft du feu réel, & par conféquent que le feu eft un corps particulier auflî ancien que les autres. Mem, de l’Acad. an. i7oy. Voyez SouFXE ÿ Fhu