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    Il faut bien admettre ce principe dans la Grammaire latine, puifque le fupin y cil abfolument femblable au participe paffif neutre, & que cette limilitude n’a pas empêché la diltinétion, parce qu’elle n’a pas confondu les ufages. Le fupin y a toujours été employé comme un nom, parce que ce n’eft en effet qu’une forme particulière de l’infinitif (voyez Supin): quelquefois il eft fujet d’un verbe, fletum eft ( avoir pleuré ell ) on a pleuré (.voyez Impersonnel); d’autres fois il eft complément objeétif d’un verbe, comme dans cette phrafe de Varron, me in Arcadiâ Jcio fpcélatum fuem, dont la conftruétîon elt erga me fcio fpcéîatum fuem in Arcadiâ, (je fai avoir vû), car la méthode latine de P. R. convient que [pefiatum eft pour fpeftajj'e, & elle a rai-fon; enfin, dans d’autres occurrences, il efl complément d’une prépofition du-moins foos-entendue, comme quand Saîiufte dit, nec ego vos ultum injurias hortor, c’efl-à-dire, ad ultum injurias. Au lieu que le participe a toujours été traité & employé comme adjeétif, avec les divertîtes d’inflexions exigées par la loi de la concordance.
    C’eil encore la même choie dans notre langue; & outre les différences qui diftffiguent effentiellement le nom & l’adjeétifs, on fent aifément que notre fupin conferve le fens aétif, tandis que notre participe a véritablement le fens paffif. J'ai IA vos lettres ; fi l’on veut analyfer cette phrafe, on peut demander j'ai quoi? & la réponfe fait dire j'ai IA\ que l’on demande enfuite IA quoi? on répondra, vos lettres: ainfi lû eft le complément immédiat de j'ai, comme lettres eft le complément immédiat de IA- LA, comme complément de j'ai, eft donc un mot de même efpece que lettres, c’efl un nom; & comme ayant lui-même un complément immédiat, c’eft un mot de la même efpece que j'ai, c’eft un verbe relatif au fens aétif. Voilà les vrais caraéteres de l’infinitif, qui efl un nom-verbe (voyez Infinitif); & con-iéqoemment ceux du fupin , qui n’eft rien autre chofe que l’infinitif foqs une forme particulière (voyez Supin).
    Que l’on dife au contraire, vos lettres lues, vos lettres étant lues, vos lettres font lues, vos lettres ayant été lues, vus lettres ont été lues, vos lettres devant être lues, vos lettres doivent être lues, vos lettres feront lues, &c. On fent bien que lues a dans tous ces exemples le fens paflif; que c’eft un adjeétif qui, dans fa première phrafe, fe rapporte à lettres par appofition, & qui dans les autres, s’y rapporte par attribution ; que par-tout c’eft un adjeétif mis en concordance de genre & de nombre avec lettres-, & que c’eft çe qui doit caraétéri-l'er le participe qui, comme je l’ai déjà dit, eft un ad-jeétif-verbe,
    II paroît qu’en latin le fens naturel & ordinaire du fupin eft d’être un prétérit: nous venons de voir il n’y a qu’un moment le fupin fpeélatum, employé pour fpeélajfe, ce qui eft nettement indiqué par fcio, & jufte-ment reconnu par L-ançelot, J'ai préfenté ailleurs (Impersonnel) l’idée d’unç conjugajfon, dont on a peut-être tort de ne rien dire dans les paradigmes des méthodes, fit quj mç ftmble établir d’une maniéré indubitable que le fupin eft un prétérit; ire eft (on va), ire erat (on alloit) ire erit (on ira), font les trois pré-lens de cette conjugaifon, & répondent aux préfens nards ç«, jbam, iho\ itum eft (on eft allé), itum erat (on étoit allé) itum erit (on fera allé), font les trois prétérits qui répondent aux prétérits naturels ivi, ive-ram, ivero ; enfin eundum eft (on doit aller) eundum erat (on devoir aller), eundenj erit (on devra aller), font les trois futurs, & ils répondent aux futurs naturels itnrus, a, um fum, iturus eram, tturus ero; or on retrouve dans chacune de ces trois efpeces de tons, les mêmes tems du verbe fubftantif auxiliaire, & par con-féquent les efpeces doivent être caraétérifées par lé mot radical qui y fçrt de fujet à l’auxiliaire; d’où il fuit qu’/re elt le préfent proprement dit, itum le prétérit, & <?«»-dum le futur, & qu’il doit ainfi demeurer pour confiant que le fupin eft un vrai prétérit dans la langue latine.
    Il en eft de même dans notre langue; & c’eft pour cela que ceux de nos verbes qui prennent l’auxiliare avoir dans leurs prétérits, n’en emploient que les préléns ac-compagnés du fupin qui défigne par lui-même le prétérit; j'ai lu, j'avois lu, j'aurai lu, comme fi l’on difoit j'al, actuellement, j’avois alors, j'aurai alors par-devers moi Patte d'avoir lu ; en latin, habeo, habebam, ou ha-hebo leâum ou legijfe. En forte que les differens préfens de l’auxiliaire fervent à différencier les époques auxquelles fe _ rapporte le prétérit fondamental & immuable, énonce par le fupin .
    C’eft dans le même fens que les mêmes auxiliaires fervent encore à former pos prétérits avec notre parti?
cipe paffïf fimple, & non plus avec le fupin, comme quand on dit en parlant de lettres, je les ai lues, je les avais lues, je les aurai lues, &c. La raifon en eft la même: ce participe paffïf eft fondamentalement prétérit, & les diverfes époques auxquelles on le rapporte, font marquées par la diverfité des préfens du verbe auxiliaire qui l’accompagne; je les ai lues, je les avais lues, je les aurai lues, &c. c’eft comme lî l’on difoit en latin, eas hélas habeo, ou habebam, ou habebo.
    Il ne faut pas diffirouler que M. l’abbé Régnier, qui connoiffoft cette maniéré d’interpreter nos prétérits com-pofés de l’auxiliaire & du participe paflif, ne la croyoit point exaéte. „ Quam habeo amatam , félon lui, gramm. „ fran. in-iz. p. 467. j«-4°. p. 493. ne veut nullement „ dire que j'ai aimée: il veut feulement dire que j'aime „ (quam habeo caram). Que fi l’on vouloir rendre le ,, fens du françois en latin par le verbe habere, il fau-„ droit dire, quant habui anjatam; & c’eft ce qui ne „ le dit point. ,,.
    Mais il n’eft point du tout néceftaîre que les phrafes latines par lefquelles on prétend interpréter les gallicif-mes, ayent été autorifées par l’nfage de cette langue : il fulBt que chacun des mots que l’on y emploie ait le fens individuel qn’on lui fuppofe dans l’interprétation, & que ceux à qui l’on parle conviennent de chacun de ces fens. Ce détour peut les conduire utilement à l’ef-prit du gallicifme que l’on conferve tout entier, mais dont on diffèque plus fenfiblement les parties fous les apparences de la latinité. J1 peut donc être vraj, fi l’on veut, que quam habeo amatum, vouloit dire dans le bel ufage des Latins, que j'aime, & non pas que j'ai aimée\ mais il 11’en demeure pas moins alluré que leur participe paflif ¿toit eftènticHement prétérit, puifqu’avec les prétérits de l’auxiliaire fum il forme les prétérits paf-fits; & il faut en conclure, que fans l’autorité de l’ula-ge qui vouloit quant amavi, & qui n’introduit pas d’exaéts fynonymes, quam habeo amatam aproit lignifié la même chofe: & cela fuffit aux viles d’une interprétation qui après tout eft purement hypothétique.
    Sielques-uns pourront fe défier encore de cette di-ion du fupin aétif & du participe paflif, dont le matériel eft fi femblable dans notre langue, qu’ils auront peine à croire que l’pfage ait prétendu les djllinguer. Pour lever ce fcrupule je ne répéterai point ce que j’ai déjà dit de la^nécelîité de juger des mots par leur de-ftination, plutôt que par leur forme; je me contenterai de remonter à l’origine de cette limilitude embarrallan-te. Il paroît que nous avons en cela imité tout Amplement les Latins, chez qui le fupin ¡audatum : par exemple, ne diffère en rien du participe paffif neutre, de forte que ces deux parties du verbe ne diffèrent en effet que parce que le fupin paroît indéclinable, & que le participe paflif eft déclinable par genres, par nombres & par cas ; ce dont nous avons retenu tout ce que comporte le génie de notre langue.
    La difficulté n’eft pas encore levée, elle n’eft que paf-fée du françois au latin; & il faut toujours en venir à l’origine de cette reflèmblance dans la langue latine. Or il y a grande apparence que le participe en us, qui palie communément pour paffif, & qui l’eft en effet dans les écrivains qui nous reftent du bon fiecle, a pourtant commencé par être le prétérit du participe aétif : de forte que comme on diftinguoit alors, fous une forme fimple, les trois tems généraux de l’infinitif, le préfent amare, le prétérit amavijfe on antaffe, & le futur amaf-fere, voyez Infinitif; de ^mêrrie diftinguoit-on ces trois tems généraux dans le"participe aétif, le préfent amans (aimant), le prétérit amatus (ayant aimé), & le futur amaturus (devant aimer): on peut même regarder cette convenance d’analogie comme un motif favorable à cette opinion, fi elle fe trouve étayée d’ailleurs; & elle l’eft en effet tant par des raifons analogiques & étymologiques, que par des faits pofitifs.
    La première impreflion de la nature dans la dérivation des mots, amené communément l’uniformité & U régularité d’analogie: ce font des caqfes fubordonnées, locales ou momentanées, qui introduifent enfuite l’anomalie & les exceptions: il n’eft donc pas dans i’orffre primitif que lç fupin amatum ait le fens aétif, & que le participe qui lui eft |i femblable, amatus, a. um, ait le fens paffif, ils ont dû appartenir tous deux à la même voix dans l’origine, & ne différer entre eux que comme diffèrent un adjeétif & un nom abftrait femblable au neutre de cet adjectif, par exemple l’adjeétif bonus, a, um, & lç nom abffrait bonum. Mais il eft confiant que le futur du participe aélif, amaturus, a, um, eft formé du fupin amatum, & d’ailleurs que ce fupin fe trouve par-tout avec le fens aétif: il eft donc plus
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