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accepterent la bulle pour le bien de la paix; mais ils en donnerent en méme tems des explicarions, pour esimer les fcrupules du public.
L'acceptation pure & limple fut envoyée au pape; & les modifications furent pour les peuples. Ils pré-rendoienc par-là fatisfaire a-la-fois le pontife, le roi, & la multitude. Mais le cardinal de Noailles, & fept autres évéques de l'affemblée qui fe joignirencà lui, ne voulurent ni de la bulle , ni de fes correttifs. Ils éerivirene au pape, pour demander des correttifs itième à fa fainteté . C'étoit un affront qu'ils lui faifoient refpettueufement. Le roi ne le fouftrit pas: il empécha que la lettre ne parùt, renvoya les évéques dans leurs diocèfes, & défendic au cardinal de paroì-tre à la cour .
La perfécution donna à cet archevéque une nouvelle confidération dans le public. C'étoit une véritable divifion dans l'epifcopat, dans tout le clergé, dans les ordres religieux. Tout le monde avouoir, qu'il ne s'agilloic pas des points fondamentaux de la religion; cependant il y avoic une guerre civile dans les efprits, comme s'il eut été queftion du renverfe-ment du chriftianifme; & 011 fic agir des deux còtés tous les reflorts de la politique, comme dans l'affaire la plus profane .
Ces reflorts furent employés pour faire accepter ia conjlitution par la Sorbonne. La pluralité des fuf-frages ne fuc pas pour elle; & cependant elle y fuc enregiftrée. Le mhiiftere avoir peine à fuffire aux lettres de cachet, qui envoyoienc en prifon ou en exil les oppofans.
Cette bulle avoic été enregiftrée au parlemenr, avec la referve des droits ordinaires de la couronne, des libertés de l'églife gallicane, du pouvoir & de la jurifdittion des évéques; mais le cri public pergoic toujours à-travers l'obéiftance. Le cardinal de Biffi, l'un des plus ardens défenfeurs de la bulle, avoua dans une de fes lettres, qu'elle n'auroit pas été reg ie avec plus d'indiguicé à Genève qu'à Paris.
Les efprits étoient fur-touc revoltés contre le jéfuice le Tellier. Rien ne nous irrite plus qu'un religieux devenu puiflant. Son pouvoir nous parole une viola-tion de fes voeux; mais s'il abufe de ce pouvoir, il eft en horreur. Le Tellier ofa préfumer de fon crédit jufqu'à propofer de faire dépofer le cardinal de Noailles, dans uu concile national. Ainfi un religieux faifoit fervir à fa vengeance fon roi, fon pénitènt & ià religion; Óc avec tout cela, j'ai de très-forces raifons de croire, qu'il étoit daus la bonne foi: tane les hommes s'aveuglenc dqns leur? fentimens £ dans leùr zèle !
Pour préparèr ce concile, dans lequel il s'agifloic de dépofer un homme devenu l'idole de Paris £ de la France, par la pureté de fes moeurs, par la douceur de fon carattere , £ plus encore par la perfécution ; on détermina Louis XIV. à faire enregiftrer au parlement une déclaration, par laquelle tout évéque, qui n'auroit pas regu la bulle purement £ fimplement, feroit tenu d'y fouferire, ou qu'il feroit pourfuìvi à la fequéce du procureur-général, comme rebelle.
Le chancelier Voifin, fecrétaire d'état de la guerre, dur £ defpocique, avoit drefié cet édit. Le procureur-général d'Agueffeau, plus verfé que le chance lier Voifin dans ìes lois du royaume, £ ayant alors ce courage d'efprit que donne la jeunefle, refufa abfolument de fe charger d' une telle piece. Le premier préfident de Melme en remontra au roi les conféquences . On traina l'affaire en longueur. Le roi étoit mourant. Ces malheureufes difputes trouble-rent fes derniers momens. Son impitoyable confef-feur fatiguoit fa foiblefle par des exhortacions conti-riuelles a cónfommer un ouvrage, qui ne devoit pas faire chérir fa mémqire. Les domeftiques du roi in-dignés lui refuferent deux foi$ l'entrée de la chambre; £ enfin ils le conjurerenc de ne point parler au roi de la conjlitution. Ce prince mourut, £ tout changea.
Le" due d'Orléans, régent du royaume, ayant ren-verfé d'abord toute la forme du gouyernément de Louis XIV. £ ayant fubfticué Jes eonfeils aux bu-reaux des fecrétaires d'état, compofa un confeil de cònfcience, doiic le cardinal de Noailles fut le préfident. On exila le pere le Tellier chargé de la hai-ne publique £ peu aimé de fes confreres .
Les évéques oppofés à la bulle, appellerent à un 'futur concile, dflt-il ne fe tenir jamais. La Sorbonne, ttes cures du diocèfe de Paris, des corps cntiers de
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religieux, firent le méme appel ;•£ enfin le cardinal de Noailles fit le fieri en 1717, mais il ne voulut pas d'abord le rendre public. On l'imprima malgré lui. L'Eglife de France refta divifée eu deux fattions, les acceptans £ Ies refufans. Les acceptans étoient les cent évéques qui avojent adhéré fous Louis XIV. avec Ies jéfuites £ Ies capucins. Les refufans étoienc quinze évéques £ toute la nation. Les acceptans fe prévaloient de Rome ; les autres des univerfités, des' parlemens, £ du peuple. On imprimoit volume fur volume , lettres lur lettres; on fe traicoit réciproque-ment de fchifmatique, £ d'hérétique.
Un archevéque de Rheims du nom de Mailly, grand £ heureux parcifan de Rome, avoit mis fon-noni au bas de deux écrits que le parlement fit brfi-ler par le bourreau. L'archevéque l'ayantsfl, fìrchan-ter un te Deum, pour remercier Dieu d'avoir été ou-tragé par des fchifmatiques. Dieu le récompenlà; il fut cardinal. Un évéque de Soiflons ayant effuyé le métne trattemene du parlement, £ ayant fignifié à ce corps que ce n'étoit pas à lui à te juger, méme pour un crime de léfe-majefté, il fuc conaamné a dix mille livres d'amende; mais le régent ne voulut pas qu'il les payàt, de peur, dit-il, qu'il ne devine cardinal auffi .
Rome éclacoic en reproches: on fe confumoit en négociations; on appelloit, on réappelloit; £ tout cela pour quelques paflages aujourd' hui oubliés du livre d'un prétre ottogénaire, qui vivoit d'aumònes à Amfterdam . I
La folie du fyftème des finances eontribua , plus qu'on ne croit, à rendre la paix à l'Eglife. Le public fe jetta avec tane de fureur dans le commerce des attions; la cupiditédes hommes, excitée par cette amorce fut fi générale, que ceux qui parlerent encore de janfénifme £ de bulle, ne trouverent perfonne qui les écoutàc . Paris n'y penfoit pas plus qu'à la guerre, qui fe faifoit fur les frontieres d'Efpagne. Les forcunes rapides £ incroyables qu'on faifoit alors, le luxe, £ la volupté portés aux derniers excès , impoferent filence aux difputes eccléfiaftiques; £ le plaifir fit ce que Louis XIV. n'avoit pu faire,
Le due d'Orléans faifit cès conjettures, pour réu-nir l'églife de France. Sa politique y étoit intéref-fée. Il craignoit des tems où il auroit eu contre lqi Rome, l'Efpagne, £ cent évéques.
Il faifoit engager le cardinal de Noailles non-feu-lemenc à recevoir cette conjlitution, qu'il regardoic comme fcandaleufe, mais à réeratter fon appel, qu* il regardoic comme légitime. Il falloit obtenir de lui plus que de Louis XIV. fon bienfaiteur ne lui avoic envain demandé. Le due d'Orléans devoic trouver les plus grandes oppofitions dans le parlement, qu'il avoit exilé à Poncoife; cependant il vint à bout de tout. On compofa un corps de dottrine, qui contenta prefque les deux partis. On tira parole du cardinal qu'enfin il accepteroit. Le due d'Orléans alla lui-méme au grand-confeil, avec les princes £ les pairs, faire enregiftrer un édit, qui ordonnoit l'acceptation de la bulletta fqppreffion desappels, l'hu-manité £ la paix.
Le parlement qu'on avoit morrifié en portant au grand-confeil des déclarations qu'il étoic en pofleflìon de recevoir, menacé d'ailleurs d'étre cransféré de Pontoife à Blois, enregiftra ce que le grand-con? v feil avoit enregiftré; mais eoujours avec les réferves d'ufage, c'eft-à-dire , le maintien des libertés de l'églife gallicane, £ des lois du royaume.
Le cardinal archevéque, qui avoit promis de fe rerrattcr quand le parlement obéiroic, fe vit enfin obligé de tenir parole; £ on afficha fon maodemenl de retrattacion le 20 Àout 1720.
Depuis ce rems? tour ce qu'on appelloit en France janfénifme, quietifme, bulles, querelles théologi* ques, baili a fenfiblemene. Quelques évéques Appellali» fefterenc feuls opiniàtremeiic attachés à leprs fenci-mens.
Sous le miniftere du cardinal de Fleury, on vou-lue exeirper le reftes du parti, en dépofane un des prélats des plus obftinés. Qn choifir, pour faire un exémple, le vieux Sjoanin, évéque de la petite ville de Sénès, homme également pieux £ inflexible, d'ailleurs fans parens, fans crédit.
Il fuc condamné par le cóncile provincial d'Am-brun en 172S, fufpendu de fes fonttions d'évéque & de prétre, £ exilé par la cour en Auvergne à l'àge de plus de So ans. Cette rigueur eccita quelques vai-nes nlaintes.