la rive ; Remus étoit pour le Mont Aventin : Pour terminer le différent Numitor jugea qu’ il falloir avoir recours aux Augures . Ainfi le vol décida de 1’ emplacement de Rome , du nom quelle devoit porter & du premier Roi qui devoit la gouverner. On prit jour pour la Cérémonie. De part & d’autre on députa des perfonnes pour être témoins de la vérité des Aufpices, Chacun des deuxFreres fe porta fur la Montagne. Remus choifit le Mont Aventin, & le Mont Palatin feryit d’Obfervatoire a Romulus. Alors, dit-on, Romulus ufa d’artifice: il envoya dire à Remus qu’il avoit vu le premier des Vautours. Les Envoyez de Romulus étoient encore en chemin, lorfqu’en effet Remus apperçut fix Vautours . Il court à l’infiant au Mont Palatin pour apprendre la vérité de l’Aufpice de fon Frère . Il n’y fut pas plutôt arrivé que par un bonheur inattendu dbuze Vautours fe montrèrent aux yeux de Romulus . Ils le fit remarquer à fon Frère , Mais Remus éclaircit le myitère : il fut in-ftruïtque Romulus n’avoit vu douze Vautours qu’ après que lui même en avoit vu fix. L’un fe prévalut du nombre d’Oifeaux qu’ il avoit apperçus, l’autre du tems où il les avoit vus. Chacun prit parti pour fon Chef, Enfin lacon-teftation s’échauffa , on en vint aux armes , & Remus périt dans le combat, Le plus grand nombre des Hiiloriens différent néanmoins la mort de Remus & la racontent en la manière fuivante. Romulus devenu Chef de la Colonie par de meilleurs Aufpices que fon Frère, & vainqueur dans le combat ne fongea plus qu’à bâtir la Ville & qu’à lui donner fon nom . Le Lieu Palatin fut choifi pour la placer. Le Fondateur employa toutes les Cérémonies fu-perfiitieufes que les Etrufques avoient introduites pour la conftrucfion des Villes. Enfuite il fit attacher à une charrue , dont le foc étoit d’airain, une vache & un taureau, & leur fit tracer l’enceinte de Rome par un profond fil-ion. Ces deux animaux, fymboles des Mariages qui dévoient peupler les Villes, furent en-fuite égorgez fur les Autels . Tout le Peuple fuivoit la charrue , & pouffoit en dedans les mottes de terre, que le foc rejettoit quelquefois en dehors. On foulevoit cette charrue & on la portoit dans les endroits où 1’ on defti-noit de faire des Portes. Comme le Mont Palatin étoit ifolé de toutes parts, on l’enferma tout entier dans le circuit que F on traça & l’on forma une figure à peu près quarrée au pied de la Montagne. Là on avoit creufé en rond une foffe affez profonde, où tous les nouveaux Habitans jettérent un peu de terre des différens Pays où ils avoient pris naiffance; & cé trou relia en forme d’un grand Puits, dans la Place publique, où fe tinrent depuis les Comices, Tandis que la Colonie étoit occupée à tracer l’enceinte de Rome , Remus ne voyoit qu’avec chagrin les travaux s’avancer au nom de fon frère; il n’avoit d’autre attention qu’ à infulter au Plan &à l’exécution de l’Ouvrage; & en -dérifion de fon frère franchit d’un faut le foffé & la muraille. L’ aétion parut téméraire à un nommé Fabius, homme emporté & ruflique ; du hoyau qu’il tenoit à la main il frappa le Prince à la tête, & la bleffure fut mortelle , Ainfi Romulus fut délivré d’un frere jaloux & féditieux. Pour le Meurtrier, on lui donna le nom de Celer, c eft-à-dire d’homme prompt & trop vif. Il y en a qui veulent que Romulus eût défendu de fauter le mur, & que la confé-cration qu il en avoit faite aux Dieux ajoutait l’irréligion à F infulte de Remus. Quoiqu’ il en
foit ces circonftances peuvent avoit été controu-vées après coup, pour rendre le meurtre du Prince moins odieux, & Tite-Live, qui fait tuer Remus de la main même de Romulus, efl peut-être plus fincère.
    Rome avoit à peu près atteint le degré de per-fedfion que des hommes greffiers & fort pauvres avoient pu lui donner en la conftruifant. On y comptoit environ mille Maifons, ou plutôt mille Chaumières. C’étoit à proprement parler un Village dont les principaux Fiabitans conduifo-ient eux-mêmes leurs Charrues & labouraient la terre ingrate d’un pays ftérile , qu’ ils s’étoient partagé entre eux. Le Palais même de Romulus n’étoit confirait que de joncs &n’étoir couvert que de chaume . Chacun avoit choifi fon terrein, pour bâtir fa cabane, fans égard à aucun alignement. Les rues n’ étoient ni droites, ni larges. Enfin jufqu’à la prife de Rome par les Gaulois elle fut plutôt un amas informe de huttes féparées, qu’une Ville bâtie avec quelque forte de régularité . Tels furent les com-mencemens de cette Capitale du Monde , qui ne fut jamais plus digne de commander à 1U-nivers, que quand la pauvreté y conferva 1 a-mour des Vertus civiles & militaires.
    Quelques années avant le faccagement de Rome par les Gaulois, les Tribuns du Peuple avo~ ient voulu partager le Sénat & le Gouvernement de la République entre les deux Villes deVeïes & de Rome : après le faccagement de cette dernière, les mêmes Tribuns penférent à faire a-bandonner tout-à-fait Rome détruite, à tranf-porter à Veïes le Siège de l’Etat, & à en faire la feule Capitale, Le Peuple fembloit porté à déferter une Ville qu’ il voyoit enfévelie fous fes ruines. Mais Camille l’emporta fur la Faction des Tribuns du Peuple; & d’un confen-tement unanime du Peuple & du Sénat il fut arrêté qu’on rétablirait la Ville de Rome. On rebâtit les Temples précifément fur les mêmes fondemens ; enfuite on répara les ruines des Maifons particulières . Le Tréfor public y contribua du lien & les Ediles furent chargez de régler & de hâter les Ouvrages. Il parait qu’ils exécutèrent cet ordre avec peu de foin ou avec peu de goût. Ils permirent à chacun defechoi-fir un terrein à fon gré, d’y bâtir des logemens fans ordre , fans fymmétrie & fans prendre d’ alignement. On fit marché avec des Entrepreneurs qui s’obligèrent d’achever les Maifons dans l’année. Le Tréfor public fournit la charpente & le bardeau pour couvrir les toits . Il y eut ordre à tous les propriétaires des Campagnes, d’y laiffer fouir des carrières, &de fouffrir qu on en enlevât gratuitement les pierres. Enfin tous les Romains mirent la main à l’œuvre & nul ne fut exempt des travaux . Autrefois les Egouts publics ne paifoient que fous les rues. On bâtit alors indifféremment fur leurs voûtes qui fervirent de fondemens, & par-là les Egouts eurent leur cours fous les Maifons particulières. La précipitation fit tort à la beauté de la nouvelle Ville. Rome ne fut qu’un amas de Maifons confufément femées en divers lieux, &les rués ne confifterent qu’ en des détours étroits ; & Fon nepouvoit arriver à un endroit un peu éloigné que par de longs circuits, à travers mille embarras. Il y eut encore moins de régularité dans cette fécondé conftruêfion de Rome que dans la première, qui s’e'toit faite au tems de Romulus. Cependant la Ville refta avec cette difformité, tandis que la République fubfifla, c’eft-à-dire jufqu’ à Augufte. Sous ce Prince , Rome étant devenue la Capitale du Monde, la magnificence crut dans les Temples , dans les
                                          Pa-