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HENRI BARTOLI
obstacles à la bonne gestion de l’entreprise ou comme des éléments nécessaires à sa réussite collective (cf. Figure 3) 62.
      La société capitaliste est une société conflictuelle 63. La flexibilité, et plus encore la flexibilisation, ont de ce fait rapport avec les stratégies de ceux dont les intérêts s’affrontent ou ne sont que partiellement concourants. G. Friedmann 64 nous rappelle, à cet égard, qu’à la rationalité de l’économie nationale (distribution de la plus grande quantité d’emploi et de hauts salaires entre le plus grand nombre de personnes possible en vue de satisfaire les besoins réels et de réduire le chômage) s’opposent la rationalité des intérêts capitalistes (utilisation rigoureuse des machines et de la force de travail en vue du profit maximum) et celle des travailleurs salariés (recherche du rendement balancée par le souci des coûts humains du travail). La « défense du facteur humain » exige, selon lui, la recherche d’un compromis entre le maximum de production et de gains financiers et le minimum d’usure corporelle et mentale des hommes.
      Il ne faut pas confondre les compromis qu’imposent les rapports de force de façon passagère avec une avance vers un dialogue social vrai et complet. Nulle part encore le travail n’a trouvé sa règle d’équilibre humain 65. L’inflexion néolibérale oeuvre au sein des contraintes et des contradictions d’une économie dont l’accumulation et la valorisation du capital demeurent les axes vecteurs, et qui reste soumise au dogme de la solvabilité. Toute « rigidité » concernant le travail, dans un tel contexte, ne saurait être écarté ou amoindrie, toute « flexibilisation » entreprise ou développée, sans s’entourer de la plus grande des prudences. R. Boyer, à ce propos, a mille fois raison de plaider pour une recherche de flexibilité « bien tempérée plus que maximale » 66.
      Il ne suffit pas de dire que plus une firme, une branche, ou une économie nationale, sont flexibles, mieux elles se portent et plus elles créent d’emplois et de bien être. Il faut s’interroger sur la vérité de l’affirmation, et
     62     Nous empruntons la notion de « noeud de tension » à une étude sur la prospective socio-industrielle dans un groupe industriel présentée par Corniou (1985).
     63     Toute société, reserve faite de quelques cas, qui «durent peu », nous dit Pareto (1917, par. 2244), comporte au moins deux classés, « une classe dirigente, peu nombreuse, qui se mantient au pouvoir, en partie par la force et en partie par le contentement de la classe dirigée. La même idée est exprimée par Perroux (1972, p. 8) qui voit dans les systèmes économiques des types d’organisation rendant compatibles entre elles des structures par des intuitions ou armistices sociaux, qui « maintiennent au pouvoir une classe dominante (groupe dominant) dans une hiérarchie de classes (groupes) ».
     64 Friedmann (1946, pp. 329-330).
     63 Cfr. Bartoli (1983).
     66 Boyer (1986, pp. 252 s.).