LA CONSCRIPTION DES FORTUNES 95 citent ; il disparaît dès que ces conditions redeviennent normales. C’est pourquoi, je pense que, sous l’impression du danger couru et évité, les classes possédantes, si égoïstes qu’elles puissent être, accepteront plus facilement qu’en temps ordinaire le sacrifice qui leur sera demandé. Il importe donc de profiter du moment actuel pour étudier les mesures à prendre et pour les faire voter par les Chambres. Il importera ensuite de profiter de V heure de la victoire — moment psychologique, si l’on peut dire, — pour demander à tous ceux qui possèdent de contribuer, aussi largement que possible, à la liquidation des charges financières de la guerre. Cette heure-là sera l’heure favorable pour le sacrifice des fortunes; la laissera-t-on échapper? * * Déjà, une première fois, la France n’a pas su profiter de l’h cure favorable pour le sacrifice des fortunes. C’était au lendemain des désastres de la guerre de 1870 1871. Poussés par le sentiment patriotique, qui réclamait à grands cris la libération du territoire, plusieurs membres de l’Assemblée nationale ont soutenu qu’il valait mieux pour le pays faire un grand sacrifice immédiat plutôt que d’atteindre pendant de longues années, par une multitude de taxes diverses, la consommation et, jusqu’à un certain point, la production. Ils ont mis en avant l’idée d’une contribution de guerre ou d’un emprunt forcé sur tout le capital mobilier et immobilier de la France, dans la proportion nécessaire pour payer les dettes nationales. Le 18 mars 1872, M. Joseph de Carayon-Latour a proposé de prélever une contribution extraordinaire de 2 % sur le montant de toutes les valeurs mobilières françaises ou appartenant à des Français. Cette contribution extraordinaire devait être payée en dix annuités, moyennant intérêt à 5 % (1). « Ne devons-nous pas compter sur le patriotisme de nos concitoyens? disait l’exposé des (1) Assemblée nationale, séance du 18 mars 1872, annexe n° 1001.