12. INTRODUCTION CHAP. II etc. Ce n'est pas la faim, la maladie, la curiosité qui constituent le besoin. Et comment se fait-il qu'on affirme parfois: j'ai besoin de manger, de dormir, de m'amuser, de me distraire etc. Il faut réfléchir que certains besoins sont susceptibles d'être satisfaits alternativement par plusieurs biens, qui s'appellent alors des succédanés, mais il est entendu que la satis- faction est plus ou moins parfaite selon que l'on choisit un succédané ou l'autre. Ces succédanés sont surtout en vogue en temps de guerre et le mot allemand d'Ersatz est devenu commun même au dehors de l'Allemagne, mais les succédanés ont toujours existé, même en temps de paix. L'idées de succédané suggère souvent l'idée d'une famille de biens, ayant en com- mun la possibilité de satisfaire un besoin. Par ex. je dis que j'ai besoin d'éclairer mon bureau: cela signifie que j'ai besoin de l'un des biens sui- vants que je range en ordre de préférence: une lampe électrique, une lam- pe à gaz, une lampe à acétylène, une lampe à pétrole, une lampe à huile, une bougie. 2. Pour que le besoin existe il n'est pas nécessaire que la chose dé- sirée ait réellement la capacité d'éliminer la douleur: il suffit que le sujet le croit. A ce propos il serait intéressant de parcourir quelque chapitre de l'histoire de la médecine. On verrait que les hommes - suivant le degré de leurs connaissances et les influences de la mode (qui ne manque pas de se faire sentir même par rapport aux médicaments) - ont désiré dans certaines époques des médicaments que, après, ils durent répudier. Bien entendu si le sujet finit par reconnaître son erreur et découvre que la chose par lui convoitée ne possède pas la propriété d'éliminer la douleur, il cesse de la désirer et la chose cesse d'être pour lui un bien. Menger voudrait réserver le nom de biens imaginaires aux choses ne possédant pas les propriétés qu'on leur attribue. Ainsi par ex. les Cosme- tiques, les amulettes, les baguettes divinatoires, les philtres d'amour, dont on faisait, dans le moyen-âge, un usage fréquent. Ainsi, pourrons-nous ajouter les bibelots employés par les personnes, qui encore aujourd'hui, croient au mauvais oeil. Menger propose d'appeler besoins imaginaires les désirs suscités par des causes inexistantes. Ainsi le médicament qu'une dame capricieuse achète pour faire passer une maladie qu'elle se figure avoir mais n'a pas, serait un bien pour un besoin imaginaire. Mais Pan- taleoni avec raison efface toute distinction entre biens (ou besoins) imagi- naires ou non imaginaires, car en somme elle n'a pas d'importance pour l'économiste. En effet que ma douleur semble à autrui fondée ou non fondée, réelle ou imaginaire, que la chose par moi désirée semble à autrui apte ou inapte à abattre la douleur, tout cela n'a pas d'importance pour moi; le désir en question est pour moi un besoin, la chose que je désire est un bien, je suis prêt à l'acheter et à payer un prix (1). (1) Les propriétés que nous attribuons à la eliose peuvent ne pas exister, mais la chose doit exister. Le besoin d'une chose inexistante est vraiment imaginaire.