En résumé, on a dû renoncer à la démonétisation rapide, et le succès de la démonétisation lente est plus que douteux.
Telle est la situation. Avant de formuler les réflexions qu'elle suggère pour l'avenir, il convient de dire ce que c'est que la nouvelle unité monétaire d'Allemagne, le marc d'or.
Quand l'empire prit la résolution de convertir la circulation d'argent en circulation d'or, il dut nécessairement, et comme point de départ, établir entre les deux métaux un tarif de conversion, c'est-à-dire déterminer contre combien de pesées d'argent on livrerait une pesé d'or. Le tarif fut fixé à 15 I 2, ce qui signifie que le possesseur de monnaie d'argent, forcé par la loi de s'en dessaisir, aurait droit, en apportant 15 1/2 poids d'argent monnayé aux caisses de l'Étal, de recevoir en échange un poids d'or monnayé.
On a eu raison de prendre cette proportion de 15 1/2; elle concordait alors avec la valeur respective des deux métaux sur le marché général et avec l'antique proportion «jui existe légalement en France, en Italie, en Belgique et en Suisse entre les francs d'or et les francs d'argent.
La proportion 15 1/2 une fois adoptée, il importait que la valeur de l'unité monétaire d'or qu'on allait créer sous le nom de marc fût telle que l'échange de l'ancien numéraire contre le nouveau ne donnât lieu à aucun calcul long et compliqué. Il fallait à cet effet que, sans sortir du taux 15 1/2, la valeur du marc fût contenue en nombre exact de fois dans la valeur du thaler, du thaler qui était la plus importante et la plus répandue des pièces d'argent.
C'est ce qu'on fit.
Si vous multipliez par 15 1/2 le poids du marc, vous obtenez le poids exact du tiers d'un thaler, et l'opération d'échanger des thalers contre des marcs ne saurait être plus simple. Pas de fractions, pas d'appoints à rendre. Contre chaque thaler présenté, la caisse publique doit livrer trois marcs d'or.
Le marc d'or étant ainsi constitué, mais les thalers d'argent devant jusqu'à nouvel ordre continuer à circuler, on ne peut nier qu'à partir du 1er janvier 187(5, il y aura une circulation composée de marcs d'or et de marcs d'argent, ceux-ci contenant 15 fois 1 /2 autant de métal fin que ceux-là.
Ce sera exactement comme en France, où les francs d'argent pèsent 15 fois 1/2 autant que les francs d'or.
Résultat digne de remarque : L'ancien régime bimétallique à 15 1/2. dont l'abolition a été demandée en France par plusieurs économistes, va entrer en vigueur en Allemagne, où il n'a jamais existé et où personne n'eu demandait l'introduction.
Il est vrai que cet état bimétallique de l'Allemagne n'est, pas complet. Pour l'avoir complet, il faudrait que chacun y fût, libre de faire monnayer le métal argent, tandis que les marcs d'argent admis à circuler ne seront autres que les anciens thalers, et qu'il sera interdit d'en faire fabriquer avec de l'argent, nouveau.
Nous sommes ici au cœur de notre question. Y a-t-il intérêt pour l'Allemagne, pour la France et pour le marché général, à ce que le législateur allemand maintienne cette interdiction ou est-il désirable pour tous que l'interdiction soit levée ?
L'Allemagne n'est pas tellement engagée dans la voie monométallique qu'elle n'y puisse