LES SYNDICATS OUVRIERS ET LE PATRONAT * 113
dénoncer en des récits aussi dramatiques qu'inexacts (1). La hausse du coût de la vie et l'insuffisance des salaires y auraient suffi. Il y a toute une légende des hauts salaires de l'ouvrier français qui s'attarde encore dans bon nombre de publications, bien qu'elle ait été souvent dénoncée dans son inexactitude et réfutée par des chiffres et documents nombreux (2). Dans l'ensemble, les salaires diminuèrent en 1914 et 1915, se relevèrent légèrement à partir de 1916, davantage en 1917 et montèrent assez vite de 1918 à 1920. Mais le coût de la vie, surtout dans les centres ouvriers, progressait plus rapidement encore.
Ainsi le salaire des mineurs (France entière, ouvriers de toutes catégories) passait de l'indice 100 en 1914 à 89 en 1915, ne se relevait qu'à 102 en 1916, à 128 en 1917, mais atteignait 187 en 1918 et 369 en 1920. Le salaire quotidien moyen de l'ouvrier qualifié, qui était de 7 fr. 78 avant la guerre à Paris, n'était encore que de 8,95 à la fin de 1916 et se trouve porté à 27 fr. 52 à la fin de 1920; en province, les chiffres sont respectivement, pour ces mêmes dates, 4 fr. 61, 5 fr. 56 et 18 fr. 92. Les indices d'augmentation sur la base de 1911 furent les suivants :
Salaires masculins	Salaires féminins
Paris	Province	Paris	Province
1911...... 100	100	100	100
fin 1916...... 115	121	115	112
fin 1920...... 354	410	390	412
Mais les prix de détail avaient obéi à la progression suivante :
Villes de plus de Paris	10.000 hab.
Juillet 1914..................................100	100
Janvier 1916................................133	137
Janvier 1917................................154	139
Fin 1920 ......................................452	420
(1)	Toute cette crise de 1917 n'eut que des causes économiques. M. Ribot, président du Conseil, à l'époque, le reconnut à la Chambre. Un rapport du préfet de police du 28 juin 1917, cité par M. Malvy (Mon crime, p. 74), s'exprime ainsi : «Le mouvement gréviste est né spontanément sans obéir à aucune suggestion venue du dehors. Il a eu pour motif légitime la recherche de salaires rémunérateurs, en rapport avec le coût de la vie ; il n'a jamais eu de caractère politique. »
(2)	Nous renvoyons encore au livre de L. March, qui épuise le sujet.